dimanche 30 janvier 2011

Parlons pédagogie avec le Journal Télévisé

Ces deux derniers jours (samedi 29 et dimanche 30 janvier), le journal télévisé de France 2 a abordé avec audace quelques questions de pédagogie. Samedi, un reportage sur la twitclasse de M. Masson


et dimanche midi, sur une classe de collège qui pratique la démarche d'investigation en classe de Sciences (sans distinguer physique, SVT ou chimie, @milasaintanne dit que ça s'appelle le EIST, elle est forte ma copine Mila !)(9ème minute ou approchant).



Je voudrais d'abord féliciter France 2 d'aborder comme ça, sans même enfiler le moindre gilet pare-balle, sans faire appel aux CRS pour protéger leurs locaux (alors même que lesdits CRS leur doivent au moins ça vu le reportage sur la fermeture des casernes qui suit), d'aborder aussi courageusement donc des sujets tels que :
  • l'utilisation des réseaux sociaux avec des enfants (Twitter)
  • l'équipement des classes en matériel et en connexion (un œil averti voit sur cette image : un ordinateur portable, un TBI au mur et la connexion internet)

  • la bivalence des enseignants (physique-chimie-SVT, c'est même de la trivalence ou je me trompe ?)
  • les effectifs des classes (une classe à 20... le rêve !)

Ceci dit j'ai quelques remarques à faire sur le traitement de ces sujets :
  • D'abord, dans le sujet sur Twitter, la journaliste présente Twitter comme un gadget amusant qui permet d'apprendre de manière ludique. Hum.... Je ne vais pas m'énerver tout de suite, mais il va falloir que quelqu'un leur dise, à tous ces gens, que les profs n'utilisent pas le numérique rien que pour s'amuser, amuser leurs élèves et faire joujou. En l'occurrence, M. Masson utilise Twitter pour que ses élèves APPRENNENT à écrire, à lire, à communiquer, à comprendre le contexte d'un texte, à adapter leur propos à leur interlocuteur etc... Alors c'est sûr, ses élèves n'ont pas l'air de s'ennuyer et même, ça a l'air de les amuser en effet. Ca n'est pas pire, c'est sûr, et il est tout à fait possible d'apprendre des tas de trucs par le jeu, mais là en l'occurrence ils ne jouent pas, ils travaillent (OK des fois ils jouent : aux échecs, aux énigmes, mais n'empêche. Pas tout le temps.)
  • Le deuxième truc qui, lui, m'énerve, c'est qu'on voit les enfants travailler (oui oui) et y prendre plaisir. Et qu'en conclut-on ? Mais c'est bien sûr ! Ils jouent ! Plaisir = jeu, mais travail et plaisir, ouh là... Prendre plaisir à travailler, c'est cochon non ? Le travail c'est la santé, mais ça doit forcément être pénible, ennuyeux, voire douloureux. Sinon c'est pas du travail. Ben ça donne pas envie d'être élève, ni prof d'ailleurs ! Je remercie donc les élèves de M. Masson, ainsi que ce jeune collégien qui, par cette phrase : "Si [les cours] c'est comme ça tous les ans, c'est sûr je vais jusque Bac + 10 !" a sauvé ma carrière de prof pour quelques années encore.  Et me fait économiser quelques séances de psychothérapie et quelques boîtes d'antidépresseur.

  • Et enfin, parce que j'ai été à la fac et qu'on m'a appris à faire des plans en trois parties (oui la trinité ça ne me vient pas de mon éducation religieuse), j'ai trouvé mon troisième poil à gratter. Parler de la bivalence (OK, trivalence) dans des termes qui font très envie, c'est bien : ça permet de mettre dans de bonnes dispositions le public avant que les mesures ne soient annoncées. Parce que la bivalence, on en parle, ça va venir ! Je dois dire même que moi qui suis déjà trivalente (Histoire, Géographie, Education civique, juridique et sociale, comptez) je ne suis pas opposée à étendre (moyennant formation) mes compétences aux langues vivantes, au français, à la SVT (bon là en revanche, il me faudrait au moins deux ou trois années de formation). Ça donnerait sûrement plus de sens à mes enseignements. Mais voilà : je fais tout à fait confiance dans le gouvernement pour mettre en place ce type de réforme sans aucun moyen de formation, avec des classes à 30, et dans le but d'économiser des postes de prof plutôt que pour améliorer les apprentissages. Mais ça, ça n'est pas la faute des journalistes.
Alors je remercie mes copains du CRAP-Cahiers Pédagogiques qui m'aident à voir les choses autrement que par le filtre du journal télévisé, des syndicats majoritaires et de la fatigue quotidienne. Je remercie mes copains Tuyaunautes (cherchez pas : c'est mes copains profs sur Twitter, une bande de joyeux drilles qui ont une vision très ouverte de la pédagogie) qui m'aident à penser mes cours autrement. Et je remercie l'INRP (pardon : le défunt INRP, devenu Institut Français d'Education) de me permettre d'avoir un regard plus distancié sur mes pratiques pédagogiques.

Et je vous promets très bientôt quelques nouvelles qui vous feront plaisir, quelques aventures nouvelles qui permettront de mettre en lumière ce qui pour une partie d'entre nous est une évidence : Oui, les technologies c'est (aussi) bon pour les apprentissages, oui, ça peut motiver les élèves ET AUSSI leur permettre d'apprendre à acquérir, critiquer, mettre en forme, communiquer les connaissances nécessaires à tout citoyen du XXIème siècle, et oui, on peut prendre plaisir à apprendre.

Voir le blog de M. Masson

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