mercredi 29 août 2012

L'ENT, nouveau sextoy des apprentissages ?

AVERTISSEMENT : Pour les âmes sensibles, la version "soft" de ce billet est en ligne sur le site de Ludovia. Ecrite avec Stéphanie De Vanssay qui n'est absolument pas responsable de ce qui suit sur ce blog-ci.

Un sextoy est un "objet destiné à augmenter le plaisir"*. Or la problématique de cette table-ronde par ailleurs intitulée Environnement Numérique de Travail, de l’appréhension technologique au plaisir d’une pédagogie renouvelée ne laisse aucun doute sur la pertinence de la comparaison : quels outils proposés par l’ENT [...] peuvent participer du plaisir d’enseigner et d’apprendre ?". Mais oui mais oui, l'ENT est un ensemble de services et d'outils proposés aux acteurs de l'école et on se demande si ça peut augmenter leur plaisir. Je reformule donc :

L'ENT, nouveau sextoy des apprentissages ?


Du coup j'étais assez motivée pour écouter les 9 intervenants (Vous pensez peut-être que 9 c'est trop, mais plus un polygone régulier convexe a de sommets, et donc de côtés, plus il tend vers le cercle, et donc vers la table-ronde) dont André Tricot que j'adore. Mais bon on a commencé par Anne-Marie Gros (elle est très bien aussi, ne vous méprenez pas). Forte d'une enquête sur les usages de l'ENT Midi-Pyrénées, elle met tout de suite un petit coup d'eau froide sur mon excitation : les usages, il y en a, mais ça commence doucement et surtout par des trucs très, très, mais alors très loin de l'innovation pédagogique : le service des absences et la gestion des notes. Ceci dit, je sens la douce chaleur de mon enthousiasme pédagogique remonter en flèche lorsque j'entends parler d'usages enrichis du cahier de texte, et plus encore du suivi personnalisé des élèves grâce à un outil de rendu de copies numérique. Ayé, j'ai trouvé un jouet (pédagogique).
Un jouet qu'on peut utiliser à plusieurs, c'est encore mieux ! Il semblerait en effet que l'ENT favorise la collaboration (quel doux mot) et les échanges (mmmhhhh .... Arrête arrête !) entre les élèves / apprenants, entre élèves / apprenants, enseignants et parents.

La deuxième partie de cette table-ronde fait monter un peu l'ambiance : "Peut-on prendre du plaisir dans un espace contraint comme l'ENT". Ah, j'ai ma petite idée sur la question.


Oui donc, c'est possible. Il faut seulement rassurer l'utilisateur avec quelques règles, un cadre familier, un cahier des charges contraint mais négocié. Le plaisir peut être augmenté par des projets particuliers dans un esprit résolument collaboratif, utilisant des outils choisis et adaptés.

La troisième partie posait enfin la question des rapports entre les usagers et leur nouveau jouet. Plutôt que de parler de plaisir, les intervenants ont plutôt parlé de satisfaction des besoins ce qui me semble limiter un peu l'espace des possibles. Passons. Satisfaits donc, les utilisateurs, sauf qu'ils aimeraient que l'ENT soit taillé sur mesure, et s'adapte à leurs besoins et désirs individuels. Ce qui donnerait à peu près ...**





Qu'est-ce qui génère donc tant de satisfaction ? De nouvelles possibilités induites par les nouveaux jouets, des ressources variées et multimedia qui touchent les différents sens, et l'échange toujours. Mais l'un des intervenants ajoute à juste titre que le choix de la posture (pédagogique, toujours, hein, vous ne vous laissez pas déconcentrer !) est primordial : rien ne sert de rester sur la mémorisation, il vaut mieux, pour aboutir au climax, adopter une posture qui permette d'explorer pour structurer (la connaissance bien sûr). Scenariser, donc. Je l'ai toujours dit. Un bon scenario et hop ! On atteint le nirvana (de l'apprentissage).

En conclusion il s’agit de découvrir comment trouver son plaisir dans la contrainte. Masochisme ou réalisme ? Renoncement ou complaisance dans la plainte de ce qu’on ne peut obtenir ? A  chacun de trouver une troisième voie où le plaisir n’attend pas la “situation idéale” tant espérée mais s’épanouit malgré ou au delà de l’outil qui pourrait aussi, soyons fous, être autre chose qu’un ENT…***

*OK il s'agit de plaisir sexuel mais j'ai toujours été de mauvaise foi.  
** C'est pas moi sur la photo. Désolée. Mais j'ai son numéro.
*** C'est la vraie conclusion du vrai article mais là, dans ce contexte, je trouve qu'il prend une autre dimension. Vous pouvez lire le vrai article maintenant !


12 commentaires:

Mila Saint Anne a dit…

Pas encore croisé un ENT, aussi bien fichu soit-il qui m'apporte de grands orgasmes pédagogiques....

[OK, je sors ...]

E. Kochert a dit…

Pas encore croiser un ENT tout court, juste un embryon voici déjà 5 ans aux USA, question plaisir c'était un peu frustrant, mais bon, tout bon pédagogue sait qu'il éprouve beaucoup de satisfaction mais au moins autant de frustration dans ses espérances

François Guité a dit…

Alors là, je salue ton audace! Tu me fais réaliser qu'il faut parfois de ces métaphores bien corsées pour illustrer l'énormité d'une chose. Il me semble toutefois que les ENT sont plutôt le sex toy des enseignants. Du point de vue des élèves, je n'en connais aucun qui soit maso de ces outils.

DBVoltaire a dit…

L'Ent est surtout un outil d'administration (notes, absences, sanctions, cahier de textes, devoirs...) accessible des élèves, prof, parents. Pour moi, cela s'arrête là. Nous avons Mestek.org dans mon collège, il est très bien mais la pédagogie n'a pas grand-chose à voir avec cela.
Cela peut par contre être une première introduction pour ceux et celles qui sont un peu frileux avec l'outil.

Stéphanie a dit…

J'assume totalement ma part de responsabilité dans l'inspiration de ce billet par le biais d'une conclusion un peu glissante qui s'accorde très bien avec cette affriolante version...

Géraldine a dit…

Comme Mila, pas encore pris de plaisir avec l'ENT de mon acad. Un truc séduisant comme l'architecture communiste de l'ancienne RDA et pas pratique pour deux sous, lourdingue à utiliser...
Bref, à part la gestion des absences et cahier de texte, je continuerai d'utiliser d'autres outils extérieurs...

Christian Jacomino a dit…

Si les hauts responsables de l'éducation nous disaient franchement, simplement, ce qu'ils ont contre le web ouvert, pourquoi ils s'en méfient tellement, pourquoi ils freinent des 4 fers, ce serait bien. On pourrait en parler, et peut-être que l'on pourrait comprendre certaines de leurs raisons. Pour les notes et les absences, à savoir le lien administratif avec les familles, on voit assez bien. Mais s'il n'y avait que cela, il serait facile de combiner les ENT avec le web ouvert, et ce n'est pas vraiment le cas.... Il doit y avoir autre chose, mais quoi, au juste ?

Caroline Jouneau-Sion a dit…

Je pense qu'il y a plusieurs éléments :
- le problème du contrôle. Notre système est hiérarchisé et la hiérarchie aime contrôler (parce qu'elle est jugée responsable de ses subordonnés, aussi). Dans un monde où les "chefs" font confiance à son équipe, le contrôle peut se faire a posteriori. Mais notre système est infantilisant (le système des inspection par exemple !).
- la peur. Peur de ce qui pourrait arriver en l'absence de contrôle, peut des réactions des parents.

Serge Pouts-Lajus a dit…

On pourrait renverser les choses et se demander pourquoi certaines personnes (Caroline, François ci-dessus, et d'autres qui s'expriment dans le même sens sur ces sujets) n'ont toujours pas accepté ce qui leur a pourtant été expliqué si souvent... Ca aiderait à faire progresser un peu la réflexion sur les ENT.
J'imagine que l'aveuglement idéologique (ouvert c'est mieux que fermé, la frontière c'est mal, etc.) en est la cause principale. Mais il se peut aussi que la généralisation abusive de tout et de toutes choses à partir de son expérience propre (j'aime ça, tout le monde devrait aimer ça, les autres ont peur, etc.) en soit une autre.

Caroline Jouneau-Sion a dit…

Oh la vache Serge, tu tapes fort là où ça fait mal !!! Dire aux amoureux du web 2 qu'ils sont idéologiquement fermés c'est ... aïe ! :-)
Hé bien je ne suis pas d'accord avec toi : je ne vois pas d'aveuglement ici (même si parfois il dirige certains de nos propos, dans les discussions orales notamment, je l'avoue). Mais là que lis-je ? L'espoir qu'un jour on disposera d'un ENT qui nous permettra d'accéder à tout un panel de services qui permettront d'échanger au sein de notre établissement ET aussi vers l'extérieur. Je sais que ça existe : en réalité l'ENT agrège des services qu'on peut ouvrir ou fermer comme on veut. Pardon, comme notre hiérarchie le veut. C'est plutôt là que le bât blesse : plus que l'ENT, ce qui nous défrise je crois c'est que la façon dont les ENT sont paramétrés montre l'absence de confiance de notre institution envers les profs, les élèves et les parents.
Et puis je ne demande qu'à me contredire moi-même : tu as participé au projet d'ENT sûrement formidable qui a remporté le marché en Rhône-Alpes et je t'ai dit plusieurs fois que j'étais volontaire pour l'essayer tout de suite. Je sais que tu n'es pas celui qui décide, mais cette année encore je dois me débrouiller avec Google Sites, Dropbox et Wordpress et je préfèrerais avoir un outil unique. Et ouvert ! Promis, je te dirai tout le bien que j'en pense.

Géraldine a dit…

J'aimerais que Serge Pouts-Lajus précise ce que l'on n'a pas accepté qui nous a été "expliqué si souvent". J'avoue que je ne comprends pas de quoi il s'agit.

Serge Pouts-Lajus a dit…

Il ne me semble pas avoir dit que les ENT étaient formidables... Et notamment pas celui de Rhône-Alpes. Ils sont lourds, mal foutus, etc. Ils s'occupent peu de pédagogie. C'est vrai.

Ce que je conteste n'est pas la critique des ENT fondée sur leurs faiblesses réelles, c'est cette critique récurrente : les ENT, c'est pas bien parce que c'est fermé.

Il est pourtant facile de comprendre pourquoi ils le sont : la sécurité et la confidentialité des données, la CNIL, tout ça. Et puis il y a aussi un intérêt spécifiquement éducatif, dans l'idée d'une communauté qui n'est pas ouverte à tous les vents. Là, ça mériterait un peu de développement, ce n'est pas le lieu.
Tiens, je peux quand même te renvoyer vers cet entretien avec Delphine Regnard sur le sujet :
http://lilie.iledefrance.fr/fr/delphine_et_ses_twits

La question de l'autorité locale, celle du chef d'établissement,ça aussi c'est un problème qui mériterait d'être traité avec un peu de finesse. Où a-t-on vu que les chefs d'établissement décident sans discuter ? Ca existe bien sûr, mais le contraire aussi, non ? Comme des profs qui twittent et d'autres pas.

Caroline, pardonne ma brutalité. Il y a surement d'autres causes que l'aveuglement idéologique à ces critiques lancinantes des ENT de la part des fans des réseaux sociaux.

Mais tout de même, entre l'apologie de l'ouverture et la critique systématique des organisations hiérarchisées, on est quand même bien dans le registre de l'idéologie. C'est le mot aveuglement qui choque ? Eh ben disons que c'est comme ça que ça marche le débat idéologique !

Il est possible aussi que les discussions sur les ENT se déroulent trop souvent entre-soi, ceux qui aiment (ou qui n'ont pas le choix) et ceux qui n'aiment pas (ou ont le choix), chacun de son côté, avec des rencontres épisodiques comme à Ludovia où, si j'ai bien compris, on se regarde en chiens de faïence.

Peut-être qu'il faudrait alors évoquer une autre cause : un effet de groupe ? groupusculaire comme on disait avant...